This isn't fair

anders et grace

Courir.
Anders détestait courir quand il était au lycée et faisait tout son possible pour éviter cette torture, mais très souvent, il se retrouvait à faire des tours supplémentaires. Il n'était pas très rapide, il le savait bien et le professeur râlait à ce propos. Il avait toujours attendu qu'il courre un peu plus vite, qu'il soit un peu plus rapide et cela n'était jamais arrivé. Anders avait toujours préféré traîner et bien qu'il avait des mauvaises notes sur la course en vitesse, il était dans la moyenne pour l'endurance. Il avait juré qu'après le lycée, il n'allait plus jamais courir de sa vie.

Ironie du sort : à trente-deux ans, il se retrouvait à faire lui-même du jogging presque deux fois par semaine les soirs depuis quelques mois. Il avait fini par aimer cela et avait considéré qu'il ne se forçait pas, alors cela enlevait le côté pénible du sport. Il courrait d'habitude dans un parc, mais ce soir il avait préféré changer un peu de paysage et il courrait sur les grandes rues presque désertes, sur le chemin du retour. Courir était censé lui changer les idées et ce soir, ce n'était pas le cas du tout.

Aujourd'hui était un enfer pour lui. Le rendez-vous médical ne s'était pas passé comme il l'avait prévu et c'était plutôt sérieux. Il ne pensait pas que cela puisse lui arriver, parce que ... Allons quoi. Il n'avait plus fumé depuis des années, ne buvait pas excessivement, triait même ses poubelles, avait un chat qui n'en faisait qu'à sa tête. Il était une personne qui ne cherchait pas de problèmes et qui avait un boulot stable...

Rien que d'y penser qu'il était juste malchanceux et que c'était probablement génétique l'énerva et lui donna envie de penser à autre chose. Il finit par accélérer son rythme, courir plus vite, faire un sprint juste pour ne plus y penser et ce, jusqu'à en perdre son souffle. Anders pouvait sentir le vent frapper au visage, ne rien entendre d'autre que son souffle. Il dut ralentir sa cadence quand il fut presque arrivé non loin de l'immeuble où se trouvait son logement, mais surtout qu'il sentait ses poumons le brûler et être à court de respiration. Que ses jambes lui faisaient mal maintenant...

Il arrêta de courir, posa la main contre le tronc d'un petit arbre qui était planté au bord du trottoir et s'appuya contre cette plante. Il essaya de reprendre son souffle et attendit que sa tête arrête de tourner. Il ferma les yeux et appuya de l'autre main sur son genou, un peu abaissé. Il ne faisait pas attention du tout à la personne qui était à l'autre bout de la rue qui pouvait voir tout ce qui se passait... En fait, il s'en fichait complètement. Au stade où il en était... Plus rien n'était important. Enfin, il savait qu'il avait de l'espoir mais il lui suffisait de voir la tête du médecin que ce n'était pas gagné d'avance. La douleur qu'il ressentait maintenant était supportable, mais il se demandait comment tout cela allait évoluer. Il se demandait comment allait être sa vie avec les médicaments et les rendez-vous médicaux. Il n'aurait pas assez de moyens pour se soigner non plus.

Il n'avait pas assez de recul pour comprendre ce qui se passait, il n'avait pas quelqu'un à qui en parler pour ce soir, ni même demain et les jours suivants, il avait mis personne au courant de cela pour l'instant. Anders ouvrit les yeux et releva un peu son regard pour apercevoir le bus au loin. Il n'avait peut-être pas pris le recul avec ce qui lui arrivait et se mettait à réfléchir trop rapidement. Il regarda les pieds et calcula la distance entre les pointes jusqu'au bord du trottoir... Il était assez proche. L'idée s'insurgeait dans la tête mais ce n'était qu'une simple idée parce que le faire, c'était autre chose. Puis c'était une sale idée qu'il devait vite se débarrasser, ce n'était pas la fin du monde parce qu'il y avait des solutions, même s'il n'y croyait pas trop et que ... Il ne serait plus capable de passer une nuit avec une femme, ni évoquer l'idée d'être un père, ni fonder une famille. Rien de tout cela, c'était ... On lui retirait cela petit à petit.

Le bruit approchait, il pouvait reconnaître celui d'un bus qui était de plus en plus proche. Anders releva à peine le regard qu'il fut tiré en arrière et manqua même de tomber parce qu'il ne s'était pas préparé à bouger. Il recula quelques pas, se détachant de la prise que la personne avait sur son bras.

- C'est bon ! Je vais bien ! s'énerva-t-il.

Cela avant de croiser le regard de cette personne qui venait de lui éviter de faire un geste stupide. La surprise se lisait sur le visage d'Anders quand il la reconnut : Grace Moore. Sa voisine d'en face... Subitement, il fut sans voix quand il se souvint qu'elle était venue le voir pour lui demander de mettre une protection à la fenêtre de la salle de bain parce qu'elle ... Le voyait prendre la douche. Il la connaissait assez bien pour avoir observé sa vie.

Maintenant Anders ne savait pas ce qu'il y avait de pire depuis qu'il lui avait parlé pour la première fois : la douche ? Le fait qu'elle s'imagine qu'il voulait se suicider là maintenant ? Ou encore sa sale tête en ce moment qui disait clairement qu'il avait passé une mauvaise journée ?

- Désolé. Je ne voulais pas vous hurler dessus... s'excusa-t-il un peu penaud.

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anders et grace

Flâner.
C'était quelque chose qu'elle aimait bien faire. Parcourir les rues et découvrir les petites boutiques, trouver le marché et s'y arrêter pour acheter des produits frais. Grace aimait l'ambiance de la ville ou du moins du quartier. Elle avait conscience que tous les coins n'étaient pas aussi tranquilles. La nuit, aucune rue ne l'était quant aux grands boulevards comme à Manhattan, l'ambiance était toujours bien plus survoltée. Les gens prenaient moins le temps de ville, à la différence des quartiers un peu plus excentrés. Mais qui disait excentrés disaient aussi, présence de personnes nuisibles.

Quand elle avait emménagé, elle n'aurait jamais pensé à ça. Elle était simplement heureuse dans son couple, à peine diplômée et en pleine recherche active, l'espoir d'un bébé déjà présent dans leurs esprits. Mais les choses s'étaient passées autrement et ils avaient rompu. Il avait gardé le chat, elle avait gardé l'appartement. Et depuis six ans, elle vivait seule. Ce n'était pas plus mal ! Elle pouvait vivre comme bon lui semblait et avait plus de temps pour travailler sur des projets qui l'intéressaient. Et quand elle avait besoin de compagnie, elle n'avait qu'à inviter un collègue ou allumer la télévision, ce n'était pas bien compliqué.

Elle rentrait donc de sa promenade quand elle vit son voisin de loin. Ce n'était pas bien difficile. Il avait une silhouette presque trop caractéristique. Elle n'admettrait sans doute pas être capable de le reconnaître n'importe où mais c'était le cas. Elle s'approcha lentement, prête à détourner le regard s'il tournait la tête dans sa direction pour rentrer quand elle remarqua quelque chose. Il ne faisait pas attention. En vérité, il ne regardait même pas où il allait et la vision d'un bus un peu plus loin lui suffit pour qu'elle fasse les quelques pas qui les séparait en abandonnant son sac rempli.

Grace se dépêcha de l'atteindre et l'agripper pour le faire reculer. Immédiatement l'homme se débattit comme sorti de sa rêverie mais au moins, le bus était passé sans qu'il ait eu la malchance de finir sous les roues de celui-ci ! Il s'énerva alors et elle ne fit que le regarder avec inquiétude. Elle ne le connaissait pas aussi bien qu'elle aurait pu le souhaiter. Ils ne parlaient pas souvent et elle ne faisait que l'observer. Elle connaissait ses habitudes, ça lui en disait un peu sur l'homme en question mais sa vie, elle ne la connaissait pas. Est-ce qu'il aurait pu s'agir d'un geste volontaire ?

Elle finit par mettre les mains sur les hanches tout en le regardant. Elle aurait pu demander une explication mais ça ne la regardait sans doute pas. Ce qui la concernait en revanche était son attitude vis à vis d'elle.

- Un merci m'aurait suffit... Répondit-elle avant qu'il s'excuse.

Immédiatement, elle hocha la tête pour lui montrer qu'elle les acceptait avant de le dévisager légèrement.

- Ce n'est rien... Vous allez bien ? Demanda-t-elle.

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anders et grace

Il s'était excusé.
C'était fait et maintenant il se sentait idiot, il n'avait pas réfléchi du tout aux paroles dans le feu de l'action. Il ne sut pas quoi dire plus précisément, surtout avec ce qu'elle pouvait interprêter maintenant. Elle l'avait empêché de finir sous les roues du bus, dont le chauffeur n'aurait rien demandé. C'était assez égoïste de vouloir en finir comme ça, mais il n'avait pas tellement réfléchi et c'était ce qui avait plus ou moins rendu les choses plus facile.

Là maintenant, il y pensait et il était encore plus mal. Il serra la mâchoire en voyant sa voisine accepter les excuses et hocha silencieusement la tête sans dire un mot, la gorge trop nouée pour cela. Il avait eu un moment voulu se jeter sous le bus et à repenser cela à nouveau lui fit fermer les yeux.

- Je... Oui oui. Je vais bien... C'est que ... Il lâcha un gros soupir et détourna le regard vers le bus qui était assez éloigné. Désolé pour ça, c'était ... Oui merci en fait. fit-il tout perturbé à ces pensées qui l'assaillaient ainsi. Il déglutit difficilement en regardant sa voisine.

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anders et grace

Est-ce qu'elle devait s'inquiéter ?
Sans aucun doute. Elle avait eu le temps d'analyser les choses, bien que tout se soit passé très rapidement et elle jurerait que c'était quelque chose qu'il souhaitait. Ce n'était pas un simple accident. Il ne s'était pas simplement perdu dans ses pensées sans voir le bus arrivé. Elle en était certaine et ça la touchait.

Elle sentait l'inquiétude l'envahir à la pensée que si elle le quittait maintenant, il pourrait recommencer et attenter à sa vie. Sa sensibilité la rendait prompte à vouloir sauver des vies mais à cet instant, surtout celle de son voisin. Elle ne le connaissait pas assez et pourtant, elle l'appréciait. Et elle n'avait aucune intention de laisser quelque chose lui arriver.

Il n'était pas vraiment convaincant dans sa réponse mais Grace ne fit que le regarder avec bienveillance. Elle ne le jugeait pas parce qu'elle avait eu une suffisamment mauvaise passe pour savoir que les idées noires arrivaient bien trop vite. Il était perturbé et ne savait pas comment expliquer son geste. Il n'en avait pas besoin. Elle n'avait pas besoin d'explication mais s'il le voulait, elle pourrait écouter. Par contre, ce dont il avait besoin, c'était quelqu'un qui l'empêcherait de faire une bêtise. Elle serait ce quelqu'un.

Avec un léger sourire, elle se détourna pour récupérer son sac de courses un peu plus loin et revenir vers lui. Elle s'arrêta à peine une seconde avant de continuer son chemin, lançant derrière elle :

- Venez.

Son ton ne laissait pas vraiment la place à la discussion et était invitant. Il pouvait bien sûr toujours refuser mais elle espérait qu'il obtempérerait. Elle écouta alors les bruits de pas en attendant d'entendre les siens suivre la même direction : celle de du hall de l'immeuble.

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anders et grace

Il n'était pas convaincant.
Anders le savait, mais il ne disait rien et ne voulait pas en rajouter parce qu'il ne savait pas comment expliquer ce qui s'était passé. C'était très rapide, il n'avait pas eu le temps de réfléchir et cela semblait être plus facile, il s'en fichait parce qu'il n'avait personne pour penser qu'il était lâche d'en finir comme ça... Ou presque en voyant sa voisine le regarder sans le juger, elle semblait le comprendre et n'était pas prompte à partir. Anders ne voulait pas l'empêcher de rentrer chez elle et devait la rassurer qu'il allait bien malgré tout, que ce n'était qu'une pensée passagère et idiote surtout.

Il fut surpris de son sourire et la regarda s'éloigner alors que lui sentait les courbatures venir parce qu'il ne s'était pas échauffé, mais cela ne lui venait pas à l'esprit. Il la regarda se déplacer alors qu'il essayait de contrôler au mieux ses émotions. Il savait qu'elle n'allait pas le laisser ici et eut la confirmation quelques secondes après. Il la laissa partir, s'éloigner tandis que lui, tout penaud essayait de réfléchir et trouver des arguments, mais la gorge était trop nouée, les pensées trop désordonnées pour trouver une excuse.

Il ne la connaissait pas vraiment, c'était juste sa voisine qu'il connaissait de loin, à qui il avait légèrement parlé mais c'était tout. En réalité oui, il ne devait pas être seul, son médecin le lui avait même dit ça en plus. Il finit par la suivre d'un pas pas trop assuré finalement pour entrer pour la première fois dans le hall de cet immeuble avec elle.

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anders et grace

Il suivait.
Instinctivement, Grace lâcha un soupir de soulagement avant de le laisser passer. Elle continua de lui sourire gentiment avant de regarder son courrier et finalement se diriger vers l'escalier. Vieil immeuble, pas d'ascenseur mais ça valait amplement le reste vu l'espace qu'elle avait dans l'appartement.

Elle le dirigea jusqu'à son logement et lui ouvrit la porte sans un autre mot. Elle déposa les courses dans la cuisine et revint à lui pour le trouver au même endroit.

- Entrez, vous serez mieux dans le canapé que sur le tapis. Rit-elle doucement. Vous voulez boire quelque chose ?

Elle avait toute intention de revenir sur l'autre sujet, le seul qui importait mais avait tout autant l'intention de le mettre à l'aise avant de l'évoquer. Elle le laisserait libre d'en parler ou non mais elle lui ferait comprendre qu'elle pouvait l'écouter. Après tout, ils ne se connaissaient pas et il était parfois bon de se livrer à quelqu'un qui n'était ni un ami ni un proche. Cela aidait. C'était différent et si elle pouvait être celle à l'aider d'une quelconque manière, elle s'en sentirait soulagée.

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anders et grace

Un sourire.
Du moins essayait-il, parce que oui, Anders n'arrivait pas vraiment à sourire sur le coup, il n'avait pas cette force de cacher à tout le monde que tout allait bien comme d'habitude. Il était à bout tout simplement et la corde avait rompu.

Il la regarda faire ses habitudes, comme ouvrir le courrier puis monter les premières marches des escaliers, il se mit à la suivre bien que ses jambes ne le remerciaient pas du tout. Ils entrèrent ensuite dans l'appartement, il resta dans le palier quand elle disparut pour déposer les sacs de course, il se mit à observer autour de lui avec la tête toujours embrouillée, toujours perturbé.

- Vous ... Avez quelque chose de fort ? demanda-t-il après avoir longuement réfléchi.

Il ne savait pas si c'était une bonne idée d'être ici, mais c'était nécessaire d'être avec quelqu'un un temps, peut-être que cela lui fera du bien, il ne pouvait pas trop savoir. Il finit par dans le salon pour s'installer sur le canapé, ses muscles se détendirent un petit peu, assez rapidement et il observait la pièce avant de voir l'hôte arriver avec de quoi boire. Il avait les bras croisés sur ses jambes pour mieux contrôler ses tremblements, sa tension dans les muscles. Il déglutit difficilement avant de dire un petit

- Merci.

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anders et grace

Elle n'avait aucune expérience.
Parler avec une personne qui voulait en finir avec la vie était une nouveauté pour elle. Savoir quoi dire et quoi faire était un luxe qu'elle n'avait pas. Grace jouait d'instinct et son premier lui disait de ne surtout pas le juger et le pousser dans ses retranchement.

Elle voulait donc le mettre à l'aise et lui proposa ainsi quelque chose à boire, n'importe quoi. Elle ne pensait pas que l'alcool pouvait être déconseillé, un verre ne faisait jamais de mal. Elle alla remplir deux verres d'un whisky qui restait là depuis quelques années et alla s'asseoir à ses côtés. Elle laissa les verres sur la table et lui sourit en ignorant les tremblements qu'elle percevait.

Il n'avait pas besoin de la remercier. Elle n'avait sans doute rien fait de plus que retarder l'évidence. Si cette idée trottait dans sa tête, ce n'était pas en le tirant en arrière qu'elle l'avait totalement chassé. Elle l'avait seulement repoussé un peu.

- Est-ce que vous voulez parler ? Je sais que nous ne nous connaissons pas mais ça fait parfois du bien de parler à quelqu'un, enfin il parait.

This isn't fair

anders et grace

La remercier.
Anders la remerciait pour avoir été cette personne qui avait réussi à l'empêcher de faire un acte stupide, d'être celle qui l'invitait chez elle et lui donnait un verre de whisky. Elle aurait pu être indifférente et passer son chemin, prétendant n'avoir rien vu, mais non, elle était là, juste à côté de lui avec un petit sourire.

Son regard était fixé sur le verre en face de lui, il n'osait pas croiser celui de sa voisine et il l'écoutait néanmoins, sans dire un mot. Parler, chose qu'il ne faisait pas avec quelqu'un depuis un bon moment. Non, mais non, il n'avait pas de problème ! Il allait bien, même si ...

- Je ne voulais pas ... C'était venu comme ça ...

Comment et pourquoi il en était là maintenant ? Comment avait-il osé de vouloir en finir ainsi ? Plus il réalisait, moins il était capable de retenir ses larmes qui venaient. Il passa la main tremblante sur son front et ferma les yeux, laissant dévaler les larmes. Il lâcha un gros soupir qui était le début d'une respiration bruyante.

- Plus j'avance ... Plus je réalise que la vie fait tout pour m'empêcher d'atteindre les buts que je m'étais fixé... A quoi ... Bon de continuer, de se battre encore si elle reprend tout ? Comment font les gens pour vivre, profiter ... ?

This isn't fair

anders et grace

Elle ne pouvait pas comprendre.
Ne pas connaître son interlocuteur rendait les choses plus compliquées mais peut-être aussi plus simples. Elle n'avait pas besoin de toutes les informations ni de savoir qui il était. Tout ce qu'il pouvait révéler ne pourrait pas être jugé parce qu'il lui manquait bien trop de données. Il pouvait se livrer et elle l'écouterait.

Il ne voulait pas faire ça, elle voulait bien le croire et pourtant, une partie de lui devant en avoir envie pour y avoir cédé. Une souffrance intérieure l'y avait poussé et elle fut peut-être un peu surprise de l'entendre ainsi parler. Il se passait une chose dont elle n'était pas au courant et si elle voulait être curieuse, la question ne réussit pas à se former.

- Il n'y a pas de bonne réponse à cette question... Dit-elle alors incapable de donner une meilleure réponse. Je pense que... chacun trouve quelque chose de bien auquel s'accrocher. C'est justement parce que la vie nous reprend ce qu'on aime qu'il faut se battre, parce qu'il est préférable de connaître une fois le bonheur que de ne jamais l'atteindre. Ce serait pire de vivre sans connaître ce qu'il y a de mieux, de... de mon avis.

This isn't fair

anders et grace

Pas de bonne réponse à la question.
Anders observa sa voisine, sans dire un mot. Il sentait sa main trembler encore un peu trop pour qu'il puisse être capable de prendre le verre.

Il s'accrochait déjà à quelque chose juste avant qu'on le lui dise que cela allait lui être retiré. Anders n'avait pas vraiment d'espoir, il ne voyait pas comment vivre maintenant. Il laissait les larmes couler et se concentrait assez sur sa respiration, faisant son possible pour la faire revenir à la normale, ne pas craquer totalement devant elle. Il détourna le regard dans un autre soupir.

- Mais ... Je suis fatigué de me battre... Il passa la main devant l'oeil et le frotta un peu pour enlever la larme Vous avez déjà connu le bonheur dans cette vie ? Vous avez déjà quelque chose auquel vous vous accrochez ?

This isn't fair

anders et grace

Se battre.
C'était le plus dur. Cela demandait du courage et de la détermination. Ce n'était sûrement pas facile mais ça en valait la peine ! Tout cela en valait la peine. Qu'il reste un an ou bien vingt, chaque seconde vécue n'était jamais une perte. C'était bien tout l'inverse et Grace vivait dans ce sens. Elle voyait le positif après le trou noir qu'avait été sa vie six ans plus tôt. Elle avait repris le dessus et souriait à ce que le monde pouvait lui offrir parce qu'elle voulait croire qu'il avait encore quelque chose à lui offrir.

Quant à savoir si elle avait connu le bonheur : oui sans hésiter. Elle avait eu quelque chose auquel se raccrocher, la vie elle-même. Elle s'y était accrochée et elle avait bien fait. Bien sûr, son passé la hantait toujours mais elle parvenait à sourire. Elle gardait les souvenirs heureux, rien d'autre.

- Oui... Je l'ai connu... Pas vous ? Vous n'avez jamais eu un seul instant de bonheur où vous vous disiez que vous pourriez vivre le restant de vos jours ainsi ?

This isn't fair

anders et grace

Connaître le bonheur.
Il en avait connu quelques uns, mais c'était toujours éphémère, cela ne durait jamais longtemps parce que c'était souvent la solitude qui le rattrapait... Il avait connu son bonheur éphémère quand il avait quitté Chicago pour New-York, quand il avait fini ses études et obtenu un diplôme, un boulot... Bon, au moins, il vivait le bonheur d'avoir un chat qui lui faisait découvrir les recoins de son appartement. Après, les grands bonheurs lui ont été arrachés...

A la question de Grace, Anders pouffa de rire avant qu'il n'éclata tout d'un coup en sanglot. C'était trop pour lui. Tout s'était accumulé et il avait tout gardé pour lui et le voilà à sangloter à côté d'une voisine inquiète. Il eut du mal à parler ainsi et dut prendre son temps pour essayer de parler ne serait-ce un peu.

- Si ... Mais ... On me les a arraché... Même ... Et il fut à nouveau secoué dans un sanglot qu'il arrivait pas à contrôler.

This isn't fair

anders et grace

Elle fut perdue.
Les émotions semblaient le submerger et elle ne pouvait assister qu'à l'extériorisation de ce qu'il ressentait. Il était épuisé et effrayé mais surtout il était triste. Tout cela, elle pouvait le dire d'un simple coup d’œil et ça lui serra le cœur. Quoiqu'il lui arrive, il en souffrait et Grace avait beaucoup de mal à accepter de voir ainsi le malheur s'abattre. Si on lui en donnait le pouvoir, elle ferait de la vie de chacun, une belle épopée ponctuée uniquement de rire et de joie. A commencé par la sienne.

Mais tout ce qu'elle put faire fut de chercher instinctivement pour sa main et poser l'autre sur son épaule dans un geste de réconfort. Elle lui montrait encore qu'elle ne le jugeait pas et était une simple présence amicale. Et cela, même s'ils n'étaient pas amis.

- Anders... L'appela-t-elle doucement.

Ce n'était sans doute pas le moment pour apprécier la façon dont son prénom sonnait entre ses lèvres mais elle ne put s'empêcher d'en apprécier la profondeur.

- Je comprends... C'est dur d'affronter la perte mais quoique l'on vous ait pris, tout n'est pas fini. Vous êtes toujours là... Est-ce qu'il y a quelqu'un que je pourrais appeler pour vous ? De la famille, des amis ?

This isn't fair

anders et grace

Un contact.
Il sentit les mains de Grace se poser sur la sienne, sur son épaule pendant qu'il extériorisait tout ce qu'il avait gardé en lui pendant assez longtemps. Il essayait de reprendre le contrôle, mais ce n'était pas évident, même si le contact lui faisait étrangement du bien, même si cela lui avait manqué... Cela était presque fait sous l'instinct maternel ou amical ou il ne savait pas quoi. Il appréciait sa voisine et le fait qu'elle veuille l'aider, le réconforter dans l'idée que rien n'était terminé et qu'il était toujours là. Oui mais pour combien de temps ? Il secoua la tête en essayant de parler malgré les larmes qui dévalaient les joues.

- Personne... Pas vraiment des amis... Plus de famille... Ils sont ... Un accident il y a quelques années... Il expira un gros coup et regarda en face de lui, le mur, tremblant Je suis allé voir un médecin cet après-midi... Un cancer... Il essaya de ne pas repartir dans une tournée de sanglot à nouveau.